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Le Vieux qui lisait des Romans d' Amour, de Luis Sepùlveda

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Le Vieux qui lisait des Romans d' Amour, de Luis Sepùlveda Empty Le Vieux qui lisait des Romans d' Amour, de Luis Sepùlveda

Message  André Ven 18 Fév - 8:19

Fable écologique réaliste.

Certes, fable et réalisme sont antinomiques, et leur association constitue donc ce qu'il est convenu d'appeler un oxymoron patent.  Car ce très court roman, qui apporta une renommée internationale à son auteur, le déjà quadragénaire chilien anonyme, Luis Sepùlveda, ami de Chico Mendès, ce défenseur de l'amazonie assassiné tandis que l'on s'apprétait à décerner un prix litteraire au livre en question, nous parle d'un environnement réél, très éloigné du paradis fantasmé par les écologistes politicards qui préfèrent dormir dans un palais de la république que dans une fourche d'arbre de la jungle. Ou survoler la planète, comme ils disent, à bord d'hélicoptère pour en faire des compte-rendus mondains et applaudis par le politiquement correct.

Rien de tout cela chez Luis Sepùlveda. C'est qu'il a vraiment vécu dans la jungle, en compagnie des natifs des lieux, Shuars (jivaros) réducteurs de tête. Il parle de plein droit et en toute connaissance de cause d'une forêt vivante et dévoreuse.

Ce que Sepùlveda tient à nous dire est simple et ne nécessite donc pas une longue et ennuyeuse démonstration. D'où la faible épaisseur de l'ouvrage auquel un surcroît de pages n'aurait pas apporté grand chose. Boileau (1636~1711)ne nous a-t-il pas déjà prévenu que "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement" et donc le peu "de  mots pour le dire arrivent aisément"?

L'histoire :

El Idilio (L'idylle) est un minuscule village au bord du fleuve amazonnien Nangaritza. Il n'en mérite ce nom que par dérision. C'est un trou perdu dans cette jungle qualifiée d'enfer vert par poncif. Antonio José Bolivar y a échoué autrefois, lorsque fuyant la misère de la Cordillère, l'espoir l'y conduisit avec sa jeune épouse Dolorès Incarnacion. Il y perdra celle-ci  après ses illusions. Mais recuielli par des indiens Shuars il apprit d'eux "à chasser, à pêcher, à construire des cabanes qui résistent aux tempêtes, à distinguer les fruits comestibles des vénéneux". Il apprit l'art de vivre en osmose avec une forêt immense, noyée de pluie, mortelle, pas du tout paradisiaque et sans bons sauvages à l'innocence intacte.

Puis, veuf, de retour à El Idillio, traversé par des aventuriers de tout poil, des chasseurs sans scrupule, des chercheurs d'or, et où ne résident en permanence que l'ennui, les certitudes de poivrots, les rêves inaccessibles et des Jivaros méprisés, il assiste un jour à l'arrivée d'une pirogue de Shuars ramenant le cadavre d'un homme blond atrocement mutilé.
Aussitôt, les indiens sont accusés du meurtre. Mais le vieil Antonio diagnostique une mort imputable à des griffes félines et non à des hommes. Un fauve rôde, qu'il identifie à une femelle ocelote, et d'autres morts sont à craindre. La folie gagne le village, une battue doit être organisée.
Antonio se voit contraint d'y participer. C'est une entreprise dangereuse et ses compagnons de chasse,  personnages aussi pittoresques qu'incompétents, finiront par le laisser seul face à la bête. S'ensuivra une confrontation avec une ocelote matoise dont il faudra comprendre les comportements et déjouer les ruses, et qui, cependant, réussira à amener l'homme à faire ce qu'elle voulait qu'il fasse, et qu'il fera parce qu'il en saisira la raison. C'est un duel entre deux intelligences et deux nécessités, qui n'a rien d'une traque au gibier. Le sentiment n'y a pas sa place, à l'inverse de savoirs-faire acquis par la connaissance objective de la forêt et de tout ce qui y vit.

Le style :

Certains le qualifie de style de roman de gare, d'autres le trouvent génial. C'est excessif dans les deux cas. Il s'agit juste d'une écriture très évocatrice par le choix des métaphores et des mots justes
Par exemple, phrases d'ouverture du roman :
Le ciel était une panse d'âne gonflée qui pendait très bas, menaçante, au-dessus des têtes. Le vent tiède et poisseux balayait les feuilles éparses et secouait violemmentles bananiers rachitiques qui ornaient la façade de la mairie.
Page 86 :
Il engloutit son corps dans un ciré bleu qui ne fit qu'en souligner les boursouflures. Les quatre hommes ne firent aucun commentaire. Ils prenaient seulement plaisir à le voir transpirer comme un robinet rouillé condamné à couler pour l'éternité.
- Tu vas voir, Limace. Tu vas voir comme tu vas être bien au chaud dans ton imperméable. Tes couilles vont bouillir là-dedans
.
Page 120 :
Il prit la direction d'El Idilio, de sa cabane et de ses romans qui parlaient d'amour avec des mots si beaux que, parfois, ils lui faisaient oublier la barbarie des hommes.

Conclusion subjective :

Ce livre aurait tout aussi bien pu s'intituler Le viel homme et la forêt, même si la comparaison avec Le Vieil homme et la mer d'Hemingway (1899~1961)  n'est pas à son avantage. Ils ont cependant des points communs : tous deux sont minces, tous deux deux sont des cartes de visites de leur auteur, tous deux traitent de la sagesse acquise avec l'expérience des jours vécus, de la compréhension du monde naturel et des intelligences qui s'y déploient, des confrontations parfois mortelles qu'induisent ces formes de vie si différentes et qu'il faut pourtant respecter et aimer telles qu'elles sont.
Il n'est pas besoin d'être un grand intellectuel, ou un bobo écolo du Marais, ou un pipole atteint de psittacisme moralisateur pour le comprendre. Il suffit d'aimer, au point d'aimer l'amour et tout ce qui en parle. Tel le vieil Antonio José Bolivar, presqu'illettré, qui, dans la solitude d'un lieu dépourvu de sentiments où l'a plongé la disparition de sa femme, déchiffre avec passion des romans d'amour qui en dégoulinent. Ainsi maintient-il la vie en lui et la justesse de vue dans son regard. La lecture devient un acte de résistance aux idées prédatrices et donc un moyen de survie. Tant qu'il vécut chez les Shuars, il n'eut pas besoin de romans pour connaître l'amour.

Finalement, Le Vieux qui lisait des romans d'amour est titre adéquat.

Si vous ne voulez pas vous perdre dans un de ces romans fleuves qui n'en finissent jamais et si vous voulez goûter un texte original, plein d'images fortes, saupoudré d'humour et d'action, alors lisez celui-ci. Collection Point, N° P70, 121 pages. Prix Tigre Juan, prix Relais H du roman d'évasion 92 et prix France Culture étranger 92

Je conseillerais encore de cet auteur un bref recueil de nouvelles (223 pages) : Rendez-vous d’amour dans un pays en guerre, centré sur le thème du rendez-vous manqué en amitié, avec soi-même, avec le temps qui passe ou en amour. Ces histoires racontent des situations marquées par ces brisures, ces glissements que les protagonistes n'ont pas su ou pu éviter (cf :evene.fr)

André

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