1984 de George Orwell
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1984 de George Orwell
1984, de George Orwell (Eric Blair, 1903-1950) est un classique, un livre-culte comme on le dit aujourd'hui aussi bêtement d'un film ou d'une chansonnette. Il décrit un des archétypes de l'homme ordinaire cherchant à fuir l'univers totalitaire qui l'emprisonne plus hermétiquement que des barbelés à miradors
Cet homme sans éclat au nom passe-partout, Winston Smith, est employé aux Ministère de la Vérité, ou Miniver en novlangue. Son travail consiste essentiellement à modifier, ou à supprimer, toute relations des événements passés en fonction de la politique du moment. Cette falsification de l'histoire que l'on qualifierait aujourd'hui de révisionnisme, a pour but de faire correspondre le passé à la version officielle décrétée par le parti unique,le Socialisme Anglais, ou Angsoc en novlangue, du monde dans lequel il est contraint de vivre.
Winston ne réussit pas à oublier les événements qu'il trafique, et il prend conscience que ses idées peu orthodoxes risquent de le mettre en danger de mort si la Police de la Pensée vient à le soupçonner. Il va donc s'employer à dissimuler son état d'esprit tout en cherchant à s'évader vers un ailleurs hypothétique où il serait libre...
Je ne dévoilerai pas la trame du récit, ni ses péripéties ni son dénouement.
Chaque fois que l'on évoque Big Brother qui épie tout en permanence grâce à des systèmes vidéos omniprésents, les télécrans, on fait référence à 1984. Chaque fois que que l'on qualifie de novlangue un charabia peu apte à décrire le réel, on fait référence à 1984.
Sans connaissance particulière de l'ouvrage, sans en avoir lu la moindre analyse, on se rend compte dès les premières pages que le portrait de Big Brother, aux yeux qui semblent vous suivre et vous transpercer, est celui de Staline, et que le monde sur lequel il règne est le jumeau de la Russie soviétique.
On est surpris par les faits et les détails du récit qui, paru en 1948, correspondent parfaitement avec ce que l'occident apprendra du stalinisme bien plus tard. Par exemple, on assiste dans le roman à un interrogatoire qui ressemble à ceux que l'on découvre en 1970 dans L'Aveu de Costa Gavras, adaptation à l'écran du récit autobiographique d'Arthur London, rescapé du procès de Prague de 1951, qu'il a publié en 1968, donc vingt ans après que George Orwell en eut prophétiquement décrit les mécanismes. Soljénitsyne, en 1973, viendra corroborer ces faits avec l'Archipel du goulag.
Il est intéressant de noter que goulag pourrait être un mot novlangue. En effet il est provient de la contaction de Glavnoe oupravlenie ispravitelno-trudovykh Lagerei, mot forgé comme le sont ceux de novlangue. Que l'on songe aussi à Gestapo, contraction de Geheime Staatspolizei, Police Secrète de l'État. La désignation complète de la chose la rend explicite, alors qu'en novlangue elle reste secrète, donc plus terrifiante. Il semblerait que les totalitarismes ont eu à coeur d'user de néologismes de ce genre. Pour faire table rase du passé ou par volonté de dissumulation?
La novlangue de 1984, elle, a un objectif bien défini. Les synonymes sont supprimés, les abstractions aussi; le nombre de mots est sans cesse réduit par de nouvelles contactions qui les remplacent : c'est un appauvrissement planifié, une régression voulue pour abêtir les populations et les mieux controler en leur ôtant tout moyen de formuler des pensées spéculatives, et donc revendicatives et subversives.
Et n'assiste-t-on pas, ici et maintenant, à un tel affaiblissement lorsque la plupart adopte le langage restreint des adolescents, les mêmes abréviations SMS, la même absence d'orthographe ainsi que l'euphémisation et le glissement de sens de certains mots et expressions que les médias, transmetteur du politiquement correct, utilisent inlassablement? La nuance a disparu du langage actuel, une chose ou un individu étant soit génial soit nul. L'énoncé rigoureux est rejeté au motif qu'il est blessant, ou discriminatoire voire mieux, stigmatisant : le cul- de-jatte est devenu une personne à mobilité réduite, les bohémiens d'antan sont des gens du voyage, et les cons des mal-comprenant. Les clandestins sont des sans-papiers, les voyous de banlieu des jeunes, certains comportements illicites sont des actes citoyens.
Et malheur à ceux qui contreviennent : la Police de la Pensée Unique veille, décortique le moindre propos qualifié de dérapage dès qu'il déroge aux règles sémantiques établies par ladite police. Pour une simple parole inadéquate, dans notre société de liberté d'expression où le délit d'opinion n'existe pas, vous voilà d'abord lynché médiatiquement puis traîné devant les tribunaux au grand dépit des officines qui vous y traduisent en regrettant de ne pouvoir vous arracher publiquement la langue comme ailleurs on coupe la main du voleur et on lapide à mort la femme adultère. Le roman de George Orwell est classé dans le genre anticipation puiqu'il est censé se dérouler dans un futur post-atomique. Anticipation, vraiment?
Rassurez-vous : on peut le lire comme un simple thriller, sans y voir de simulitudes avec ce que nous vivons.
1984 s'inspire, dit-on, d'ouvrages antérieurs, l'un russe de 1920, l'autre suédois de 1940. Il n'empêche que c'est celui-ci qui est universellement connu et reconnu comme un chef d'oeuvre du genre. Il a été classé parmi les 100 meilleurs romans de langue anglaise de 1923 à nos jours. Après lecture, il vous restera longtemps en tête, et en contemplant notre actualité, peut-être vous surpendrez-vous à y trouver des résonnances. Un grand livre.
Collection Folio, Numéro 822, 408 pages.
André
Cet homme sans éclat au nom passe-partout, Winston Smith, est employé aux Ministère de la Vérité, ou Miniver en novlangue. Son travail consiste essentiellement à modifier, ou à supprimer, toute relations des événements passés en fonction de la politique du moment. Cette falsification de l'histoire que l'on qualifierait aujourd'hui de révisionnisme, a pour but de faire correspondre le passé à la version officielle décrétée par le parti unique,le Socialisme Anglais, ou Angsoc en novlangue, du monde dans lequel il est contraint de vivre.
Winston ne réussit pas à oublier les événements qu'il trafique, et il prend conscience que ses idées peu orthodoxes risquent de le mettre en danger de mort si la Police de la Pensée vient à le soupçonner. Il va donc s'employer à dissimuler son état d'esprit tout en cherchant à s'évader vers un ailleurs hypothétique où il serait libre...
Je ne dévoilerai pas la trame du récit, ni ses péripéties ni son dénouement.
Chaque fois que l'on évoque Big Brother qui épie tout en permanence grâce à des systèmes vidéos omniprésents, les télécrans, on fait référence à 1984. Chaque fois que que l'on qualifie de novlangue un charabia peu apte à décrire le réel, on fait référence à 1984.
Sans connaissance particulière de l'ouvrage, sans en avoir lu la moindre analyse, on se rend compte dès les premières pages que le portrait de Big Brother, aux yeux qui semblent vous suivre et vous transpercer, est celui de Staline, et que le monde sur lequel il règne est le jumeau de la Russie soviétique.
On est surpris par les faits et les détails du récit qui, paru en 1948, correspondent parfaitement avec ce que l'occident apprendra du stalinisme bien plus tard. Par exemple, on assiste dans le roman à un interrogatoire qui ressemble à ceux que l'on découvre en 1970 dans L'Aveu de Costa Gavras, adaptation à l'écran du récit autobiographique d'Arthur London, rescapé du procès de Prague de 1951, qu'il a publié en 1968, donc vingt ans après que George Orwell en eut prophétiquement décrit les mécanismes. Soljénitsyne, en 1973, viendra corroborer ces faits avec l'Archipel du goulag.
Il est intéressant de noter que goulag pourrait être un mot novlangue. En effet il est provient de la contaction de Glavnoe oupravlenie ispravitelno-trudovykh Lagerei, mot forgé comme le sont ceux de novlangue. Que l'on songe aussi à Gestapo, contraction de Geheime Staatspolizei, Police Secrète de l'État. La désignation complète de la chose la rend explicite, alors qu'en novlangue elle reste secrète, donc plus terrifiante. Il semblerait que les totalitarismes ont eu à coeur d'user de néologismes de ce genre. Pour faire table rase du passé ou par volonté de dissumulation?
La novlangue de 1984, elle, a un objectif bien défini. Les synonymes sont supprimés, les abstractions aussi; le nombre de mots est sans cesse réduit par de nouvelles contactions qui les remplacent : c'est un appauvrissement planifié, une régression voulue pour abêtir les populations et les mieux controler en leur ôtant tout moyen de formuler des pensées spéculatives, et donc revendicatives et subversives.
Et n'assiste-t-on pas, ici et maintenant, à un tel affaiblissement lorsque la plupart adopte le langage restreint des adolescents, les mêmes abréviations SMS, la même absence d'orthographe ainsi que l'euphémisation et le glissement de sens de certains mots et expressions que les médias, transmetteur du politiquement correct, utilisent inlassablement? La nuance a disparu du langage actuel, une chose ou un individu étant soit génial soit nul. L'énoncé rigoureux est rejeté au motif qu'il est blessant, ou discriminatoire voire mieux, stigmatisant : le cul- de-jatte est devenu une personne à mobilité réduite, les bohémiens d'antan sont des gens du voyage, et les cons des mal-comprenant. Les clandestins sont des sans-papiers, les voyous de banlieu des jeunes, certains comportements illicites sont des actes citoyens.
Et malheur à ceux qui contreviennent : la Police de la Pensée Unique veille, décortique le moindre propos qualifié de dérapage dès qu'il déroge aux règles sémantiques établies par ladite police. Pour une simple parole inadéquate, dans notre société de liberté d'expression où le délit d'opinion n'existe pas, vous voilà d'abord lynché médiatiquement puis traîné devant les tribunaux au grand dépit des officines qui vous y traduisent en regrettant de ne pouvoir vous arracher publiquement la langue comme ailleurs on coupe la main du voleur et on lapide à mort la femme adultère. Le roman de George Orwell est classé dans le genre anticipation puiqu'il est censé se dérouler dans un futur post-atomique. Anticipation, vraiment?
Rassurez-vous : on peut le lire comme un simple thriller, sans y voir de simulitudes avec ce que nous vivons.
1984 s'inspire, dit-on, d'ouvrages antérieurs, l'un russe de 1920, l'autre suédois de 1940. Il n'empêche que c'est celui-ci qui est universellement connu et reconnu comme un chef d'oeuvre du genre. Il a été classé parmi les 100 meilleurs romans de langue anglaise de 1923 à nos jours. Après lecture, il vous restera longtemps en tête, et en contemplant notre actualité, peut-être vous surpendrez-vous à y trouver des résonnances. Un grand livre.
Collection Folio, Numéro 822, 408 pages.
André
Dernière édition par André le Ven 22 Oct - 6:12, édité 2 fois
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Linux? Pas assez cher, mon fils!
Re: 1984 de George Orwell
Bonsoir André,
Bravo - et merci- pour cette excellente dissertation et réflexion sur le langage et le conditionnement des esprits. Il faudrait aussi relire Koestler, ainsi que Wells qui fut leur maître à penser. Cela m'amène à ressortir de ma bibliothèque un ouvrage un peu plus ancien : "Le viol des foules par la propagande politique" de Serge Tchakhotine paru en 1939 et qui reste de brûlante actualité dans la France contemporaine.
Cordialement
Jean-Michel
Bravo - et merci- pour cette excellente dissertation et réflexion sur le langage et le conditionnement des esprits. Il faudrait aussi relire Koestler, ainsi que Wells qui fut leur maître à penser. Cela m'amène à ressortir de ma bibliothèque un ouvrage un peu plus ancien : "Le viol des foules par la propagande politique" de Serge Tchakhotine paru en 1939 et qui reste de brûlante actualité dans la France contemporaine.
Cordialement
Jean-Michel
Micki- Nombre de messages : 412
Localisation : TAVERNY (95)
Emploi/loisirs : Retraité
Date d'inscription : 05/01/2008
Re: 1984 de George Orwell
Bonjour, Jean Michel
Quoique je ne l'aurais peut-être pas acquis s'il s'agit d'un essai, comme je l'imagine. Je trouve en effet que certains romans, sur le mode captivant, disent mieux les choses que des analyses d'expert.
Merci pour ton commentaire sur mon opinion relative au langage actuel. Cela devrait, peut-être, rendre compréhensible aux membres du forum mon souci de la forme écrite, comme reflet d'une langue qui capitule autant devant les bonnes manières que devant l'anglais. Cela traduit une décadence ainsi qu'une perte d'identité. À mon humble avis.
Comme il a raison, Finkielkraut, lorsqu'il écrit :"On parle à l'mage, à la maison, au collège, au bureau, la même langue avachie, désertée par l'élégance, c'est-à-dire le souci de l'autre".
André.
Peut-on encore trouver ce bouquin?Micki a écrit:B"Le viol des foules par la propagande politique" de Serge Tchakhotine paru en 1939 et qui reste de brûlante actualité dans la France contemporaine.
Quoique je ne l'aurais peut-être pas acquis s'il s'agit d'un essai, comme je l'imagine. Je trouve en effet que certains romans, sur le mode captivant, disent mieux les choses que des analyses d'expert.
Merci pour ton commentaire sur mon opinion relative au langage actuel. Cela devrait, peut-être, rendre compréhensible aux membres du forum mon souci de la forme écrite, comme reflet d'une langue qui capitule autant devant les bonnes manières que devant l'anglais. Cela traduit une décadence ainsi qu'une perte d'identité. À mon humble avis.
Comme il a raison, Finkielkraut, lorsqu'il écrit :"On parle à l'mage, à la maison, au collège, au bureau, la même langue avachie, désertée par l'élégance, c'est-à-dire le souci de l'autre".
André.
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